PÉPIN LE BREF

Dix siècles d’histoire en cinq minutes…

Pépin le Bref (714-768).

Extrait du Journal du Lot, édition du Dimanche 30 juillet 1933 :

Couronnement de Pépin le Bref par le pape Étienne II (pape couronné en 752, mort en 757).

C’était en l’an 753. Pépin*, fils de Charles Martel, chevauchait à travers l’Aquitaine. Par une lumineuse journée d’automne, il se trouva arrêté sur la berge droite d’une petite rivière inconnue, à laquelle les moines, à cause de la célérité de son flot, devaient, quelques années plus tard, donner le nom de « Céler », le Célé, obscur affluent du fleuve « Olstus », le Lot aujourd’hui, qui, depuis plus de deux mille ans, baigne Cahors, l’antique Divona de la Gaule romaine.

Soudain, il vit, s’élevant de terre, un grand nombre de pigeons blancs qui, après avoir un moment tournoyé au-dessus de sa tête, se départirent, traçant dans le bleu du ciel une figure de croix. Pépin comprit que c’était là qu’il devait bâtir une église à Dieu, en gratitude des victoires qu’il lui avait données sur tous ses ennemis. Ce qu’il fit sans désemparer. Avec l’église s’édifia le couvent des moines qui la bâtirent ; et autour du couvent se développa bientôt une ville qui s’appela, on n’a jamais su pourquoi, FIGEAC.

L’Aiguille, un souvenir du Moyen Âge dont on ne connaît pas l’utilité : peu-être de marquer les limites communales…

Le roi alla jusqu’à Rome y chercher le pape — Étienne II — pour bénir le sanctuaire, ce qui eut lieu le 6 des ides de novembre 755. Cette histoire est écrite sur de vieux parchemins. À ceux qui ne voudraient pas croire à celle des pigeons blancs on répondra qu’elle fait corps avec l’histoire même de la cité. Ne serait-elle, cette histoire, qu’une légende, nous la gardons. Elle explique nos armoiries : croix d’argent sur champ d’azur.

Déjà, au XIe siècle, la ville était corsetée de murailles fortement balerinées de tous côtés. L’abbé régnait sur la cité comme sur le monastère. Mais à mesure que la population croissait, le peuple prenait le sentiment de sa force. Dès l’an mille, il était assez robuste pour imposer à l’abbé une charte garantissant les franchises communales. Des consuls furent élus, partageant avec l’abbé l’autorité. Ce ne fut pas sans heurt ni hargne, sans batailles dans les rues. Un jour, l’abbé vendit ses droits de justice au roi de France. Guillaume de Nogaret vint à Figeac. Les bourgeois trouvèrent à qui parler. C’était un juriste de robe courte qui ne s’entravait pas dans les liens de la procédure. Il installa un viguier du roi. Le viguier a disparu ; son château reste au flanc de la montagne que domine l’église du Puy.

Survint, avec ses misères et ses tueries, la longue guerre de Cent ans ; Figeac passa, suivant les vicissitudes du combat des prices, des Fran!ais aux Anglais, des Anglais aux Français, ne sachant à qui entendre, du roi ou des ducs d’Aquitaine, ses seigneurs immédiats devenus rois d’Angleterre.

Les anciens remparts de Figeac.

Les petits ont toujours souffert des sottises des grands. Les Figeacois pâtirent, plus d’un siècle, de la jalousie de Louis VII, des galanteries d’Éléonore et et de la violence des Plantagenêt. En 1371, la ville fut prise d’assaut et saccagée par une bande de routiers.Elle ne s’en délivra que moyennant rançon — une rançon que paya le comte d’Armagnac — une dette que les bourgeois de Figeac ne remboursèrent jamais et dont Louis XI, généreux des deniers d’autrui, leur fit royalement la remise. Figeac avait joui d’une ère de prospérité au XIIe et au XIIIe siècle. Il en fut de même au XVe siècle. Mais les mauvais jours revinrent avec les guerres de religion. C’est de cette époque que le nom de Figeac apparaît dans l’histoire générale de la France. Dans notre Haut-Quercy, la religion réformée trouva de nombreux partisans. Cardaillac, Sousceyrac devinrent des nids de Huguenots. Figeac se trouva partagé entre les deux partis. Quand les protestants s’emparèrent de Figeac, ils avaient de nombreux amis au coeur de la place. Ils y furent maîtres de longues années. Le Béarnais y avait des partisans fidèles. Un d’eux, Méause, apparaît comme une des figures les plus caractéristiques de cette époque.

Après la chute de Montauban, le fils du Béarnais, Louis XIII, fit raser la citadelle et démanteler les murs que Méause avait défendus. Malgré la propagande des Capucins, un ferment d’hérésie calviniste était resté qu’extirpa la révocation de l’édit de Nantes. Il en fut un de ces calvinistes qui ne s’inclina pas, le fameux armurier Sisteron, auquel pourtant, pour ne pas priver la France d’un ouvrier hors de pair, Louis XIV accorda la sauvegarde du roi.

Avec les Intendants, Figeac perd, peut-on dire, sa personnalité historique. Elle ne sera plus, jusqu’à la Révolution, qu’une subdélégation de la généralité de Montauban. Sa physionomie moyenâgeuse s’altère par l’arasement des remparts et le comblement des fossés. Le corset de pierre qui l’étreignait est tombé. Ce sont maintenant, autour de la ville, des promenades, quais ou boulevards, ou terrains vagues dont on fera un champ où se tiendront des foires réputées. Il est juste de reconnaître que l’administration des Intendants fut salutaire à la cité ; l’industrie et le commerce se trouvèrent bien de cette tutelle qui, sans être tracassière, était à la fois probe, éclairée et vigilante. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, une bourgeoisie moyenne naquit de l’artisanat populaire. L’aisance se répandit ; la population s’accrut. Figeac à la veille de la Révolution, comptait 10 000 âmes.

La gare de Figeac en 1908.

La Révolution souleva des enthousiasmes et des colères dont l’écho se trouva d’une manière à peu près uniforme à toutes les pages de notre histoire locale dans la province du Quercy. La centralisation politique pratiquée par la convention, continuée et aggravée par l’Empire, a achevé d’effacer la physionomie propre que gardait chaque ville sous l’Ancien Régime. Le rail, le gaz, l’électricité, l’auto, le cinéma, la TSF, la mécanisation du travail humain sont venus donner à nos cités, avec ce qu’on appelle le confort de la vie moderne, la vulgarité d’un décor uniforme et impersonnel. C’est là la rançon du progrès. Une réaction semble avoir commencé. Depuis qu’on a le chauffage central et l’eau sous pression, on se met à regretter la buche de chêne, l’éclat de la braise, le duvet de la cendre de bois et aussi la source surgie du rocher et fuyant sous les herbes.

Il est des villes qui peuvent encore réserver aux voyageurs, avec le confort d’hygiène, de propreté et des distractions qu’exige la vie moderne, cette détente que donne à l’esprit le contact avec le passé et au corps le contact avec la nature. C’est à remplir ce programme que s’engage notre Syndicat d’initiative. Nulle ville ne paraît, pensons-nous, s’adapter mieux que Figeac à l’exécution d’un pareil programme. Jules Malrieu**.

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*Les Pépins de la Francie : Pépin le Bref (714-768), fils cadet de Charles Martel et de Rotrude (Il s’agit sans aucun doute du Pépin de Jules Malrieu auteur de cet texte). – Pépin, fils de Pépin le Bref, frère de Charlemagne ; on ne sait rien de lui.Pépin le bossu (768-811), fils illégitime de Charlemagne et d’Himiltrude. – Pépin d’Italie (777-810), fils de Charlemagne et d’Hildegarde de Vintzgau.Pépin Ier d’Aquitaine (797-838), petit fit-fils de Charlemagne, fils de Louis le Pieux et d’Emengarde de Hesbaye.Pépin II d’Aquitaine (823-864), fils de Pépin Ier et de Ringarde de Madrie.

*Jules Malrieu, adjoint au maire de Figeac, poète et magistrat.

Denier de Pépin II d’Aquitaine.